Timothée Gomot
Résumé
Le digital est au cœur des grandes mutations sociétales du XXIe siècle et façonne les nouvelles pratiques de travail. Dans le domaine de l’entrepreneuriat, plus spécifiquement, les technologies digitales sont à l’origine de nombreuses transformations : une proposition de valeur dématérialisée à rendements d’échelle croissants (Bharadwaj et al., 2013 ; Huang et al., 2017) ; une grande flexibilité en séparant le contenu de son média (Yoo et al., 2010 ; Zaheer et al., 2019) ; une vitesse d’opérationnalisation exponentiellement plus rapide (Bharadwaj et al., 2013) ; une portée stratégique décuplée impliquant différents réseaux d’acteurs (Srinivasan et Venkatraman, 2017) ; une délimitation moins nette entre les différentes phases du processus entrepreneurial (Nambisan, 2017) ; etc. C’est pourquoi l’entrepreneuriat digital - qui peut être défini comme le processus entrepreneurial de création de valeur digitale grâce à l’utilisation de divers catalyseurs numériques permettant le traitement, l’acquisition, la distribution et la consommation d’informations numériques (Sahut et al., 2019) – fait l’objet de nombreuses recherches.
Le caractère émergent de l’entrepreneuriat digital nourrit plusieurs débats, tant sur les plans pratiques que théoriques. En effet, l’entrepreneuriat digital semble englober des entreprises ayant des pratiques et des caractéristiques très différentes, allant de la mono-entreprise à l’entreprise multinationale. Dans la littérature, ces disparités sont source de confusion (Matlay, 2004 ; Zaheer et al., 2019) en qualifiant de manière interchangeable une multitude de pratiques entrepreneuriales plus ou moins proches (cyberentrepreneuriat, e-entrepreneuriat, entrepreneuriat de technologie digitale, entrepreneuriat digital, etc). De plus, certains chercheurs voient en l’entrepreneuriat digital un « nouveau paradigme entrepreneurial » (Elia et al., 2020), une « nouvelle ère entrepreneuriale » (Nambisan, 2017) tandis que d’autres considèrent davantage le phénomène comme « de l’entrepreneuriat dans une société, elle, digitale » (Gustavsson et Ljungberg, 2018).
Cette thèse émet l’hypothèse selon laquelle le prisme d’analyse des processus cognitifs permet d’aboutir à une meilleure compréhension de l’entrepreneuriat digital. La cognition - qui correspond à l’ensemble des processus par lesquels les données sensorielles sont transformées, réduites, élaborées, stockées, récupérées et utilisées (Neisser, 1967) - est une approche amplement mobilisée dans la littérature entrepreneuriale (Mitchell et al., 2000 ; Mitchell et al., 2002, b ; Katz et Shepherd, 2003 ; Baron, 2004 ; Baron, 2007 ; Gregoire et al., 2011 ; etc.). En somme, il s’agit de comprendre comment les entrepreneurs pensent ; leur « mind-set » (Kraus et al., 2019, p.371).
Pourquoi certains entrepreneurs font-ils le choix d’entreprendre grâce au digital ? Comment intègrent-ils et tirent-ils profit de ces technologies digitales ? Quel est le rôle de ces dernières dans le processus entrepreneurial ? Faut-il considérer l’entrepreneuriat digital comme une simple sous-catégorie de l’entrepreneuriat, ou comme un nouveau paradigme à part entière ? Le digital implique-t-il une simple évolution des pratiques entrepreneuriales ou révolutionne-t- il, au contraire, totalement celles-ci ?
À travers une étude qualitative multi-cas, cette thèse entend apporter des éléments de réponses aux questions ci-dessus et contribuer ainsi au développement d’une meilleure compréhension de l’entrepreneuriat digital.
Abstract
Digital technologies are at the heart of the major societal changes of the 21st century and shapes new working practices. More specifically, in the field of entrepreneurship, digital technologies are at the origin of many transformations: a scalable and dematerialized value proposition (Bharadwaj et al., 2013 ; Huang et al., 2017); more flexibility in separating content from its media (Yoo et al., 2010 ; Zaheer et al., 2019); a faster speed of operationalization (Bharadwaj et al., 2013); a tenfold strategic scope (Srinivasan et Venkatraman, 2017); less bounded entrepreneurial outcomes and processes (Nambisan, 2017); etc. That is why digital entrepreneurship – which can be defined as the entrepreneurial creation’s process of digital value through the use of various digital enablers to support effective acquisition, processing, distribution, and consumption of digital information (Sahut et al., 2019) – has been the subject of much research.
The emerging character of digital entrepreneurship is fueling several debates, both on practical and theoretical levels. Indeed, digital entrepreneurship seems to encompass companies with different practices and characteristics, ranging from self-employed entrepreneurs to multinational companies. Existing terminology in the literature causes confusion as well (Matlay, 2004 ; Zaheer et al., 2019), by qualifying interchangeably various entrepreneurial practices which are more or less similar (cyberentrepreneurship, e-entrepreneurship, digital technology entrepreneurship, digital entrepreneurship, etc.). Moreover, some researchers consider digital entrepreneurship as “a new entrepreneurial paradigm” (Elia et al., 2020), a “new entrepreneurial era” (Nambisan, 2017) while others rather see this phenomenon as “entrepreneurship in a digital society” (Gustavsson et Ljungberg, 2018).
This research challenges the hypothesis whereby the prism of cognitive processes leads to a better understanding of digital entrepreneurship. Cognition – which is defined as all processes by which sensory input is transformed, reduced, elaborated, stored, recovered, and used (Neisser, 1967) – is an approach widely mobilized in the entrepreneurial literature (Mitchell et al., 2000 ; Mitchell et al., 2002, b ; Katz et Shepherd, 2003 ; Baron, 2004 ; Baron, 2007 ; Gregoire et al., 2011 ; etc.). In short, it is about understanding how entrepreneurs think; their “mind-set” (Kraus et al., 2019, p.371).
Why do some entrepreneurs choose to start a business using digital technology? How do they integrate and take advantage of these digital technologies? What are their role in the entrepreneurial process? Should we consider digital entrepreneurship as a simple sub-category of entrepreneurship, or as a new paradigm in its own right? Do digital technologies imply a simple evolution of entrepreneurial practices, or do they completely revolutionize them?
Throughout a qualitative multi-case study, this research intends to provide answers to the above questions and thus contribute to the development of a better understanding of digital entrepreneurship.
Direction de thèse
Rémi Bourguignon et Hélène Peton
Date d'inscription en 1ère année de thèse
1er octobre 2020